Les OGM, un poison ? Non, si l’on en croit les autorités sanitaires. Cependant, des chercheurs continuent de publier des travaux mettant en doute ces conclusions. Parmi eux, un certain professeur G.E Séralini dont le nouvel objet de recherche pourrait remettre en cause la plupart des tests de laboratoire.
La nouvelle étude du controversé professeur Gilles-Eric Séralini jette un pavé dans la mare. Publiée sur la revue Plos One le 2 juillet, sa diffusion avait été repoussée pour raisons éditoriales mineures, incluant notamment une visibilité plus claire de la mention « conflit d’intérêts » en raison de son financement.1 Une attente interminable au vue des déclarations du professeur caennais aux médias la veille de la publication.
La découverte est de taille : les chercheurs ont analysé la nourriture des rats utilisés comme groupe contrôle, dans les tests de produits chimiques ou d’OGM, avant réglementation. Sur treize échantillons communs de croquettes, étudiés sur neuf pays, l’équipe a trouvé des traces de pesticides, de métaux lourds, de dioxines et furanes, de PCB et d’OGM résistants au Roundup, un herbicide total (48% du régime). De plus, des résidus du produit, contenant du glyphosate (classé cancérogène probable), ont été détectés dans 9 des 13 régimes. Qu’est-ce que cela change ? Le professeur l’explique : « la composition de cette nourriture augmente le bruit de fond à un tel niveau que ça cache tous les effets secondaires des produits testés ». Autrement dit, la majorité des études faites seraient biaisées. Les tumeurs considérées comme naturelles chez cette espèce de rat (Sprague-Dawley) de laboratoire seraient provoquées.
Pour l’instant, cette nouvelle analyse a été validée par l’université de Caen qui a donc pris position au profit du professeur. Si les agences sanitaires et les industriels concernés n’ont pas encore divulgué d’avis, certains médias militants, pro-OGM d’Outre-atlantique, ont d’ores et déjà publié les réactions de plusieurs scientifiques. La plupart reproche aux auteurs de l’étude de ne pas avoir pris en compte assez de critères pour déterminer l’incidence de cette nourriture avec les tumeurs observées, ou encore, de ne pas avoir comparé avec un groupe nourri avec des croquettes biologiques. Pour cette dernière, le professeur a répondu qu’une nouvelle étude nécessiterait des fonds considérables qu’il n’a pas pour l’instant.
L’affaire Séralini
La dernière étude du professeur Séralini a créé une véritable polémique en 2012 au sein de la communauté scientifique. En donnant exclusivement du maïs OGM NK603 tolérant au Roundup à plusieurs groupes de rats, il a observé une formation plus rapide de tumeurs sur une période de deux ans, sans pour autant, que leur caractère cancérigène ne soit prouvé. Même chose pour les groupes auxquels il avait donné de petites doses de l’herbicide seul. Contrairement aux précédents tests de Monsanto qui n’ont duré que trois mois (il n’est pas obligatoire d’allonger l’étude au delà de cette période), l’observation des effets chroniques des deux composés s’est effectué sur la vie entière du rat.
La Food and Chemical Toxicology, après avoir publié son étude, la retire, la jugeant « peu probable » (elle est republiée en 2014). Selon François Veillerette, porte-parole de l’association Générations Futures, une recherche peut être dé-publié en cas de fraude, ce qui ne serait pas le cas pour celle-ci. On peut aussi remarquer que cette décision converge avec l’arrivé au comité éditorial de la revue FDA de Richard Goodman, un biologiste ayant travaillé pour Monsanto. Une possible influence niée par le journal scientifique.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments avait émis des doutes sur les conclusion de la recherche du professeur Séralini, tout comme L’Agence de sécurité sanitaire. Ce scepticisme provient du fait que les rats utilisés (Sprague-Dawley) seraient plus sensibles aux tumeurs que les autres. La nouvelle étude sonne alors comme une revanche face aux critiques. Les scientifiques avaient également reproché l’énorme couverture médiatique dont avait disposé le professeur Séralini, digne d’un coup d’éclat plutôt que d’une analyse sérieuse.
Décrédibiliser les études contraires
« Il suffit de créer le doute« . Pour François Veillerette, ce lynchage est caractéristique des multinationales. Il explique que la contre-attaque s’organise en trois points : d’abord semer le doute en s’appuyant sur des détails, ensuite avoir des relais d’opinions, pour un dénigrement continuel (anciens employés, médias militants, politiques), et enfin, s’assurer de faire de ses propres études la norme. Dans ce dernier cas, la norme, promue qualité supérieur, aurait un coût bien trop élevé pour la plupart des chercheurs selon le porte-parole de Générations Futures.
Dans le cas du travail du professeur Séralini, Monsanto avait répondu à ses propres détracteurs. « Elle (l’étude) a été financée par Carrefour et Auchan. Et publiée – je ne crois pas aux coïncidences – le même jour que Carrefour lançait une nouvelle gamme de produits bio« , avait ainsi affirmé Brandon Mitchener, directeur des communications pour l’Europe et le Moyen Orient de Monsanto, interrogé par des confrères de Consoglobe. « C’est le paradoxe de Monsanto : ils financent des experts et dénoncent les autres investisseurs« , réplique François Veillerette.
- L’étude a reçu le soutien de l’Institut Criigen, la fondation JMG, Lea Nature, les fondations Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme, Nature Vivante, Denis Guichard, Malongo, les conseils régionaux de Rhône-Alpes et d’Ile-de-France, l’Institut Bio Forschung Austria et la Sustainable Food Alliance.