Pollution : les 10 choses surprenantes à savoir

Voici dix choses surprenantes qu’on ne vous a pas dites pendant ces jours de pollution… et que vous devriez vraiment connaître. Jean-Louis Fernand.

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© Néoplanète

Alors, essayons en ces temps difficiles pour nos poumons, notre cœur et notre cerveau, cibles privilégiées des particules fines, d’être sérieux, d’arrêter de colporter les légendes urbaines du style c’est les cheminées ou le charbon allemand – alors qu’il n’y a aucune trace de soufre dans l’air, ce soufre étant pourtant inhérent aux centrales thermiques… et posons-nous les bonnes questions.

Mais tout d’abord, tordons le cou à une idée par trop répandue : non, ceux qui souffrent de la pollution ne sont pas que les très jeunes ou les trop vieux, tout le monde y a droit. Les sportifs, les fumeurs qui en rajoutent une couche, les immunodéprimés – grippe, rhume, gastro, sortie d’opération, chimio… - sans oublier les apnéiques du sommeil qui respirent bien profondément en reprenant leur souffle, les promeneurs sur les berges, les cyclistes, les piétons de la rue, et même les chanteurs et danseurs de l’Opéra, tous sont autant d’aspirateurs biologiques à particules susceptibles d’avoir besoin un jour d’un respirateur d’appoint pas du tout bio… Natalie Portman a même remmené son mari directeur du Ballet, Benjamin Millepied, aux Etats-Unis, tellement elle ne supportait plus la pollution à Paris, c’est dire…

En parlant de victimes de la pollution, pourquoi n’étudie-t-on pas très précisément les effets de la pollution sur les populations directement les plus exposées, par exemple les chauffeurs de taxis, qui passent douze heures par jour le nez dans le pot d’échappement des collègues ou des bus diesels qui les précèdent ? Ce n’est pas bien compliqué de regarder combien de temps et dans quelle condition physique ça vit, puis de quoi ça meurt, un chauffeur de taxi. Il suffira ensuite de comparer ces données à ceux de la population urbaine dite normale, et là, ça va probablement remuer du lourd…

Et ces gendarmes, militaires et policiers en faction ou qui arpentent continuellement les rues de la Capitale, sait-on combien d’entre eux seront victimes de ce danger pernicieux qui fera probablement dans le plus grand silence plus de dégâts que n’importe quel barbu suicidaire ? Nous protéger sans se protéger eux-mêmes ne fait pas de sens, alors allons jusqu’à leur suggérer le port d’un simple masque « à l’asiatique » les jours de très forte pollution, l’impact pédagogique sera maximal…

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Autre bizarrerie qui peut interpeller : les joggers de l’asphalte… Courir le long d’une voie de circulation, il faut vraiment le faire, et ils le font même pendant les pics de pollution … A-t-on des statistiques sanitaires sur cette population sportive particulière ? Perso, je suis interpellé par l’absence relative de joggers âgés en ville, contrairement à ce que j’ai pu observer dans les villes anglo-saxonnes, « par essence » moins polluées, puisque nous avons la palme mondiale de la diésélisation urbaine. Alors soit l’intelligence vient avec l’âge… soit nos jeunes joggers ont rapidement les mêmes soucis de santé qu’ont sans doute taxis, policiers, gendarmes, militaires et chauffeurs de bus, par exemple. Des populations surexposées que l’on se garde bien de suivre…

Alors, tant qu’à faire de s’aérer bronches et alvéoles, je vais pousser le luxe jusqu’à nous ventiler le cerveau et lister les dix choses que l’on n’a pas dites et que vous devriez savoir sur la pollution…

champs-elysees-144028_12801. 10 jours de pollution, même hors pic, c’est 10 fois le 13 novembre 2015, puisque 48 000 morts par an, c’est 130 par jour… Et contrairement au tabac et à l’alcool, ces 48 000 victimes n’ont pas choisi de mourir à cause du diesel du voisin…

2.Paris intramuros, c’est 20 000 habitants au km², soit la ville la plus dense d’Europe. Deux fois plus dense que Tokyo ou Dehli, trois fois plus que New York, Mexico, São Paulo ou Hong Kong, cinq fois Londres, six fois Los Angeles et 10 fois Istanbul…

3. C’est aussi la ville proportionnellement la plus diésélisée au monde… Si vous ajoutez visiteurs, livreurs, bus et cars de touristes dont les moteurs diesels tournent même à l’arrêt, vous avez tout compris… L’arrêt du diesel en centre-ville n’est plus une option, cela devient une urgence sanitaire…

cold-156666_12804. La France s’obstine à ne vraiment surveiller que les grosses particules, à savoir les PM10 qui vont jusqu’à 10 microns. Ces particules sont certes désagréables à la vue et à l’odeur, mais en raison de leur taille, elles sont systématiquement stoppées au niveau du nez, de la bouche, de la gorge et tout en haut de l’arbre respiratoire. Puis évacuées par le mucus, c’est d’ailleurs pour ça qu’on tousse, se mouche et crache plus les jours de forte pollution ou quand on court sur un terrain de foot, puisqu’on respire 6 fois plus en faisant du sport…

5. Ces particules les plus surveillées sont pourtant de très loin beaucoup moins dangereuses que les particules fines et ultrafines, les redoutables PM2.5 et PM1, qui elles sont inodores et invisibles, et qui pénètrent bien plus profondément dans les alvéoles. Elles traversent même la membrane alvéolo-capillaire pour venir s’installer durablement dans notre système sanguin, provoquant rapidement des problèmes cardiaques ou des AVC, et très longtemps après, des cancers divers et avariés… En Asie, des centaines et bientôt des millions de capteurs individuels traquent les PM2.5 de la rue à l’appart. A Paris, il n’a y a que trois stations de mesures pour suivre ces redoutables particules, dont une en zone piétonne…

6. On ne nous parle pas non plus des nanoparticules qui, encore plus insidieuses, passent directement du nez au cerveau en suivant le nerf olfactif. Joie. Ne cherchez pas pourquoi Josiane ou Robert souffrent d’Alzheimer « alors qu’ils étaient si actifs », fallait pas habiter près du périph, coco… Les maladies neurodégénératives, l’autisme des enfants explosent mais on ne sait toujours pas d’où ça vient. A moins que…

Embouteillages_Boulevard_de_Magenta_à_Paris_le_17_juillet_2015_-_1 (Copier)7. La France est la lanterne rouge du GPL, le seul carburant presque propre, qui contrairement au redoutable diesel, ne rejette pratiquement pas d’oxydes d’azote, les NOx… Ce n’est pas un hasard si nos champions du diesel ont éhontément triché sur les NOx, ils connaissent bien le vrai coupable de nos petits et grands malheurs pulmo-cardio-cancéro-neuronaux…

8. Les lobbyistes de nos amis agriculteurs ont quant à eux réussi l’exploit d’empêcher pendant des décennies d’intégrer l’ammoniac dans les polluants atmosphériques, vous savez, cet ammoniac versé sous forme d’ammonitrate pour fertiliser les champs et leur donner cette jolie teinte bleutée bucolique du petit matin brumeux… C’est pourtant cet ammoniac emmené par la masse d’air au-dessus des villes qui se combinant aux NOx dont nous venons de parler donne naissance aux particules fines secondaires, qui à leur tour adorent se combiner au pollen urbain dès qu’elles le rencontrent. Si vous avez aimé ce pic de décembre, vous adorerez le pic de mars, les agriculteurs épandent toujours quand il fait très beau sur la ville…

Car_pool_only_lane (Copier)9. Nous sommes également l’un des rares pays au monde sans « Pool Lanes », ces fameuses voies de circulation où il est interdit d’être tout seul dans sa voiture, sachant que l’homme « ENFIN peinard dans MA voiture » représente en semaine 80% du trafic. Alors, pourquoi ne pas transformer en Pool Lanes tous les axes très chargés, ce qui obligerait le mâle à appeler sa maîtresse ailleurs que dans les embouteillages ? Une bonne idée à faire remonter à Anne Hidalgo, le problème des quais au-dessus des berges serait instantanément résolu, et les piétons pourront découvrir la joie de l’autostop sur l’un des plus beaux trajets du monde.

10. Enfin, et ça va être un choc pour certains : on respire plus mal dans les beaux quartiers du bord de Seine – « par essence » les plus bas de la Capitale - qu’à Belleville ou Ménilmontant, qui ont la chance d’être sur les hauteurs. D’une part parce que les particules ont beau être fines, elles sont toujours plus lourdes que l’air et descendent vers le fleuve. Et d’autre part, parce que les 4×4 ou les SUV rutilants neufs, de par une meilleure combustion et leur pot catalytique, émettent plus de particules ultrafines que les véhicules plus anciens, qui se contentent eux de tousser surtout des grosses PM10… Alors oui, on se mouche et on crache plus dans les quartiers populaires, mais on doit terminer plus souvent neuneu et à l’Hôpital Américain quand on habite dans le septième ou le seizième.

agriculture-89168_1280Voilà, les joyeusetés de la pollution parisienne n’ont plus de secret pour vous. Vous avez certes constaté l’évident choquant de ces dix jours – le manque de civisme, la RATP qui continue de faire circuler ses gros bus diesel aux heures creuses avec cinq personnes à bord, les incinérateurs de la ville qui n’ont jamais cessé de cracher leur fumée – mais il vous manquait ces quelques précisions qui vous permettront d’apprécier encore plus à sa juste valeur le pic de printemps que vont bientôt nous offrir nos agriculteurs des campagnes voisines…

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