Interview :

Jeremy Irons contre le diktat d’Hollywood

A l’affiche du film Assassin’s Creed (en salles le 21 décembre) dans lequel on retrouve Marion Cotillard, nous avons rencontré Jeremy Irons, un acteur « so british » qui lui, ne court qu’après une chose : le contact avec la nature… Franck Rousseau

Jeremy Irons, Race
Jeremy Irons, Race

Version audio :

Version écrite :

Au début des années 80, vous étiez au générique d’une série que j’adore : « Retour au château ». Trente ans plus tard, vous n’avez pratiquement pas changé. Les cheveux ont certes un peu blanchi mais globalement, je vous assure, vous êtes le même ! Bref, un physique d’éternel athlète. Votre secret, c’est quoi ?

Je fume ! Du coup, cela réduit mon appétit ! Plus sérieusement, je dois avoir de bons gênes ! Ma mère était très mince et j’ai du coup hérité de son « fast metabolism ». Je ne suis pas non plus très porté sur la nourriture ! Peut-être tout simplement parce que la bonne nourriture, j’entends par là les produits sains, qui ont du goût et dans laquelle on ne fourre pas un tas de saloperies chimiques, nous avons de plus en plus de mal à la trouver. Du coup, pour moi manger, c’est plus une notion de « carburant » que je donne à mon corps. Bref, je ne grossis pas ! D’ailleurs, la veste que je porte aujourd’hui, elle avait été spécialement conçue pour moi pour le tournage de « Fatale ». C’était en 1992. Elle est aujourd’hui un tout petit peu serrée au niveau de la taille mais à part ça elle me va encore parfaitement !

Comme beaucoup de vos compatriotes britanniques, pourquoi n’avez vous jamais voulu vous installer à Hollywood ?

Parce que je me nécroserai si je perdais mes racines ! Vous savez, j’ai beau tourner les choses dans tous les sens, je me sens définitivement européen ! Avec ma femme (Ndlr : l’actrice irlandaise Sinéad Cusack), nous avons travaillé pendant un temps à New York. C’était l’époque où nous faisions tous les deux du théâtre. Notre premier fils d’ailleurs a fait ses études aux États-Unis. A un moment, nous nous étions dits que nous serions probablement plus riches aujourd’hui si nous avions fait carrière sous la bannière étoilée ! Peut être même que nous aurions rencontré encore plus de succès. Mais quitter la Grande-Bretagne, ce pays où j’ai grandi, n’était pas envisageable.

Pourquoi ?

Best Supporting Actor in a Series, Miniseries or Motion Picture made for TV, Jeremy Irons
Best Supporting Actor in a Series, Miniseries or Motion Picture made for TV, Jeremy Irons

Parce que je suis un jardinier ! Un homme de la terre. Je suis comme les plantes, j’ai besoin de certaines conditions pour pousser, d’un certain climat, d’un certain espace. Si vous me transplantez, je m’étiole, je me fane ! Je ne veux pas changer, je veux rester le même ! C’est vrai que les avions se déplacent vite aujourd’hui et qu’il serait aisé de faire des aller-retour entre les deux pays mais à quoi bon ? J’aime trop la campagne anglaise. Je me souviens qu’un de mes collègues qui avait joué avec moi dans la série « Brideshead Revisited ». Ce dernier, après la fin de cette série, avait pris la décision de s’installer à Los Angeles avec femme et enfants. Il rêvait de tourner plein de films hollywoodiens. Il s’était imaginé solliciter de partout. Après une année passée en Californie, il est revenu au pays. Quand je lui ai demandé ce qu’il avait fait sur place, il m’a répondu : « Quatre épisodes de la série La Croisière s’amuse !!! ». Franchement, je ne l’ai guère envié. Quand on regarde les choses froidement, on constate que nous les acteurs européens, nous sommes très privilégiés. J’aime venir à Los Angeles mais pour une durée courte. Très vite, la verdure me manque. Mais aussi la possibilité d’aller faire de la voile ou de monter à cheval, sans que l’on me pourchasse ! J’ajoute une chose toute bête. Quand je conduis dans le countryside british, j’emprunte des petites routes ombragées et sinueuses et non des autoroutes toutes droites et toutes plates. Encore une fois, j’aurais peut-être rencontré plus de succès mais je n’aurai pas été plus heureux. Pas de regret donc ! Je pense sincèrement que l’Angleterre et l’Irlande sont les deux plus beaux endroits de la Terre. Probablement pas au niveau du climat ou de la photographie, mais en terme de culture et d’Histoire, difficile de rivaliser.

Vous qui m’avez l’air d’être un sage, quelqu’un de réfléchi, de posé, vous avez une petite idée de ce qui nous attend dans ce monde qui semble devenu fou !

Je ne sais pas ! Il est clair que nous vivons des temps très difficiles. Je ne sais pas quelle réponse vous donnez à ça ! Ce que je sais, c’est que je l’ai personnellement vu venir ! A cause des guerres, notre environnement souffre aussi. Quand les terres s’assèchent par exemple, la corruption s’installe dans certains gouvernements. Du coup, les gens veulent quitter leur pays pour se rendre dans des contrées où ils trouveront la stabilité, des services sociaux et où ils pourront avoir un toit. C’est naturel que les gens prennent ce genre de direction ! Est ce que l’on peut se le permettre ? Je ne sais pas ! J’ai toujours été, non pas cynique, mais pessimiste. J’ai toujours pensé que le monde allait logiquement devenir totalitaire ! C’est la seule façon de le diriger vous allez me dire ! Nous devons avoir des lois internationales. Nous devons avoir des frontières. Peut-être. Nous allons perdre nos libertés, c’est clair ! Mais nous n’avons pas le choix. Je ne vois pas d’autre option. Je sais c’est terrible et il y a de quoi devenir dépressif. Ce qui est flagrant, c’est que le fossé se creuse en plus en plus entre les riches et les pauvres. Nous allons droit vers de la répression ou peut-être même une révolution !

Vous avez une solution ?

Déjà respectons nous en tant qu’humain ! Ne grillons pas les étapes. Quand j’entends, par exemple, Donald Trump dire des choses ridicules, je n’ai pas envie de rire comme la plupart des gens. Le seul moyen de s’en sortir c’est de croire en l’autre et en nous. C’est de ne plus nous tirer dans les pattes. C’est de décréter que nous ne pouvons pas faire confiance à cette partie du monde parce que les gens n’ont pas les coutumes que nous. Je sais, ma façon de voir les choses est un peu « baba cool» mais je pense que la vérité est dans cette manière de cogiter !

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Frank ROUSSEAU, grand reporter et pur produit de la mondialisation ! Elevé en partie en Afrique, au Canada, en Nouvelle Calédonie. Eduqué en France puis dans les Universités américaines, il se passionne ensuite pour l’histoire de l’art et celles de civilisations avant d’intégrer le Figaro Quotidien. Journaliste freelance, il partage désormais son temps entre l’oligopole de Los Angeles et un petit village des Yvelines…